Confrontation entre le droit à la vie privée et le droit à la preuve de l'employeur

Confrontation entre le droit à la vie privée et le droit à la preuve de l'employeur

Publié le : 15/02/2024 15 février févr. 02 2024

Le droit au respect de la vie privée est un principe primordial faisant obstacle à la production en justice d’un élément portant atteinte à ce droit. 

Pour autant, une telle production est possible à condition qu’elle soit proportionnée au but poursuivi. Dans ce cas, un employeur pourra produire en justice des éléments portant atteinte au droit à la vie privée de ses salariés, comme l’illustre l’arrêt présenté ce mois-ci. 

Dans l’affaire en question, une infirmière est licenciée pour faute grave à la suite de consommation et introduction d’alcool ainsi que sa participation à une séance photo en maillot de bain au sein de l’hôpital où elle travaille. Pour justifier le licenciement, l’employeur produit en justice des messages et des photos issus d’un groupe « Messenger » privé entre la salariée et ses collègues.  

La Cour d'appel saisie du litige rejette la demande de la salariée de déclarer les pièces irrecevables. 

Estimant que la production de ces pièces porte atteinte à son droit à la vie privée, la salariée forme un pourvoi en cassation. Son argumentation est rejetée par la Cour de cassation qui confirme la position de la juridiction de second degré. 

La Cour de cassation rappelle qu’en application des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, un moyen de preuve illicite ne sera pas nécessairement rejeté. La production d’une telle pièce est possible si elle est proportionnée au but poursuivi. Le juge doit opérer une balance entre le droit à la vie privée et le droit à la preuve. 

La Haute juridiction approuve le fait que la Cour d'appel se soit fondée sur des messages et des photos d’un groupe « Messenger » montrant des soirées alcoolisées au sein de l’hôpital ainsi qu’une séance photo en maillot de bain durant le temps et sur le lieu de travail. Au regard de ces circonstances, les juges du fond ont considéré que ces éléments relèvent de la sphère professionnelle et sont donc légitimes à être produits en justice. Leur production était nécessaire afin de démontrer le comportement contraire aux obligations professionnelles de la salariée et de protéger l’employeur au titre de ses obligations envers ses patients. 

Bien que la production de ces éléments porte atteinte à la vie privée de la salariée, elle n’en demeure pas moins indispensable à l’exercice du droit à la preuve et subordonnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients. 

Les juges se sont également basés sur l’attestation d’une aide-soignante confirmant la présence d’alcool sur le temps et le lieu de travail et de mauvais traitement sur les patients. Le fait que cette attestation ne respecte pas les dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile n’enlève en rien sa crédibilité puisqu’elle est corroborée par l’alerte donnée par un autre collègue du service. 

Cette décision confirme que le droit à la preuve de l’employeur peut primer sur le droit à la vie privée du salarié. Il s’agit là d’une confirmation de sa jurisprudence antérieure, notamment celle « Petit Bateau » énonçant que l’employeur pouvait produire du contenu extrait du compte Facebook de ses salariés (Cass. soc 30 septembre 2020, n°19-12.058). 

 

Référence de l’arrêt : Cass. soc 4 octobre 2023, n°21-25.452 

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